Boucheries halal : les merguez étaient requinquées à l’acide





Cinq boucheries « halal » accusées de régénérer leur viande périmée avec les additifs corrosifs d’un chimiste.

 Cinq bouchers et deux employés comparaissent aujourd'hui et demain en correctionnelle aux côtés d’un chimiste pour « falsification de denrées alimentaires », « mise à la vente de denrées nuisibles à la santé » et « tromperie aggravée sur la marchandise ». En perquisitionnant en 2009 un appartement de la rue des Hugolins dans le 2e à Marseille, les enquêteurs ne pensaient pas trouvé un laboratoire clandestin de cette ampleur : 25 kilos de bisulfite de soude, 25 kilos de métabisulfite de soude, 5 fûts de 30 litres de bisulfite de soude et de nombreux bidons plastique vides de 5 litres. Pas d’alambic fumant sur la paillasse mais des entonnoirs, des verres gradués, des fûts, toute une chaîne de production d’additifs alimentaires qu’un ancien chimiste d’origine libanaise revendait depuis des années par bidons entiers à un réseau de bouchers indélicats de Marseille et de sa région. Les commerçants donnaient une seconde vie à leur viande hachée avariée au mépris de la réglementation.

  Plus de 6 500 bidons de 5 litres écoulés en 5 ans

 Les doses de sulfite retrouvées dans les viandes étaient « particulièrement élevées » et « dangereuses » pour la santé. Ces additifs artisanaux parfaitement prohibés par la réglementation étaient élaborés de surcroît dans des conditions graves d’insécurité : ces produits nocifs libèrent des vapeurs d’acide sulfurique très suffocantes, pouvant même être mortelles à forte concentration. Figure centrale de ce scandale alimentaire traité par le Pôle santé publique du parquet de Marseille, Pierre Azzi, un chimiste d’origine libanaise. Agé de 57 ans, l’homme comparait libre pour « complicité par aide ou assistance ». Il répond accessoirement de travail dissimulé et de fraude au Rmi. Il a été placé sous mandat de dépôt pendant deux mois puis remis en liberté sous contrôle judiciaire. C’est son épouse avec qui il était en instance de divorce, qui a révélé en mai 2006 qu’il vendait à des boucheries et des snacks du marché aux puces et de la rue Longue des Capucins, des compositions chimiques destinées à raviver l’aspect des viandes rouges. Des boucheries de Marseille, Martigues et Port-de-Bouc se fournissaient ainsi en produits chimiques par bidons de 5 litres. Pierre Azzi a reconnu en garde-à-vue se livrer depuis six ans à cette activité clandestine qui lui aurait rapporté entre 300 et 400 euros par mois.

  Le « gaval » mieux que les épices

 Il s’approvisionnait en produits de base auprès de deux grossistes basés à Aubagne et Marseille. Pour ne pas éveiller l’attention, il présentait comme un industriel spécialisé dans la fabrication de parfums et de produits de toilette. Depuis 2004, il leur avait acheté 1 290 litres de bisulfite de soude, 400 kilos de métabisulfite de soude, 220 litres d’hypochlorite de soude en fûts qu’il mélangeait à de l’eau. En cinq ans, il avait acheté 6 534 bidons vides de 5 litres, ce qui situe le niveau du trafic. Abdelali B., gérant de la « Boucherie Atlas » a reconnu avoir acheté deux bidons à 22 euros qu’il diluait avec de l’eau pour pouvoir conserver une semaine de plus ses merguez. Mokhtar, du « Bon coin des viandes » dit avoir acheté cette substance à forte odeur pour éviter le noircissement de la viande qu’il utilisait pour ses saucisses épicées. Le patron de « Chez Brahim » a nié mais des écoutes téléphoniques le confonde avec Pierre en train de négocier ce qu’il appelle du « gaval ».

  « Cela avait pratiquement pris un niveau industriel »

L’association UFC Que Choisir s’est constituée partie civile dans la procédure. « Ce n’est pas heureusement une pratique courante mais dans cette affaire cela avait pratiquement pris un niveau industriel », explique Roger Cervenra, son administrateur. Selon lui, « il y avait un système établi avec certains commerçants qui se sont dit un coup d’acide par dessus et ça passera ». Le bisulfite de soude est à la fois un conservateur contre les micro-organismes et les dégradations qu’ils engendrent. Il a aussi un pouvoir anti-oxydant qui atténue le brunissement des aliments au contact de l’air. L’acide sulfurique opère lui comme correcteur d’acidité. La dangerosité de ces additifs est parfaitement établie, en ce qu’ils provoquent des lésions de l’appareil digestif, des maux de tête, des effets sur le fœtus et des réactions allergiques. Ils sont proscrits depuis 1997 dans la viande de boucherie. Deux clients réguliers des boucheries poursuivies se sont constitués partie civile. L’un d’eux souffre d’un cancer. Le lien de causalité ne semble toutefois pas établi avec la dégradation de leur état de santé. Les prévenus encourent jusqu’à 4 ans de prison et 75 000 euros d’amende.

 David COQUILLE

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